Traversée Saipal et Dolpo (episode 3)

  • Le 10/09/2023
  • Dans Voyages
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Dimanche 3 septembre : Et c'est reparti ! Même descente que la semaine dernière jusqu'à la passerelle de Chhipra. L'air est saturé de l'humidité qu'a laissé l'orage de la 2ème partie de la nuit. Mais comme il fait plutôt frais, ça passe... Cette fois-ci, on ne traverse pas la Humla Karnali nadi mais on reste en RG pour s'élever en lacets dans le coteau pentu et le soleil "a la bonne idée" de nous darder de ses rayons. Et le cocktail soleil + humidité fait que l'on se croit plus sur l'Île de la Réunion qu'au Népal, il faut dire que ces deux contrées font partie des zones exotiques. Chaque dizaine de mètres de dénivelée de gagnée est un enfer ! Après la pause de midi à l'ombre, la montée est plus facile sans soleil vers Durpagaon et le voyage que l'on effectue de concert avec un groupe de scolaires du village en train d'entretenir les bas-côtés du chemin est très guillerette. Je propose de faire halte dans une famille au village plutôt que d'aller monter les tentes tout au fond de la vallée (le terrain de camping "officiel"...) dans un lieu que je devine plutôt saturé d'eau car placé au bord de la rivière. Bonne pioche ! Il a plu toute la nuit et la soirée a été super sympa... et au sec !

Rencontre d'un groupe de scolaires à l'approche de Durpagaon

Lundi 4 septembre : Au réveil, toute la vallée est nimbée de nuages et il pleuviote par moments. Puis c'est la grosse averse qui semble vouloir durer... Mais non, surprise : le ciel bleu fait son apparition et on démarre ! Sur le chemin, de passage à la kharka de Panchi, on a le droit à un concert de rap népalais par deux gosses d'une dizaine d'années, un rap si convaincant que nous leur avons laissé un billet pour leur superbe prestation... Puis, retour à la réalité, c'est l'ascension vers le col qui pour la moitié du temps se déroule en forêt dans un cocktail de merde de bovins et de mules. Les bovins appartiennent au paysan du coin et se baladent jusque très haut dans la montagne. Quant aux mules, il n'y en avait plus sur ce chemin depuis deux ou trois ans, depuis que la piste le long de la Karnali avait été creusée mais celle-ci a subi d'importants effondrements (ils ne vont pas être réparés de sitôt...) et de ce fait les convois de mules ont repris l'antique chemin pour convoyer les denrées périssables du bout de la route à Sarisalla jusqu'à Simikot, le dos de mule étant meilleur marché que le fret cargo et ça ne consomme que l'herbe des prairies d'altitude... Quand je parle "convoi de mules", il faut bien s'imaginer qu'au moment où l'on va voir la première d'entre elles, il est plus sage de se poser dans un endroit sûr au bord du chemin pour attendre. On peut même ouvrir un livre... En effet, ce sont des centaines (si, si...) qui se suivent à la queue leu leu et qui dévalent le chemin ! Certes, c'est beau à voir... mais malheureusement aussi à sentir !

Le merdier...

Météo mitigée toute la journée mais qui a bien voulu être sympa au passage du col à 4073m. Par contre, on a accéléré dans la descente car l'orage approchait et qu'on était encore assez loin de l'étape. Des trombes d'eau nous ont cueillis à 10mn d'atteindre le lieu de camping officiel, avons enfilé les capes de pluie jusqu'au lieu de bivouac. Une fois sur place, pas question de planter les tentes sur un terrain ruisselant et nous nous sommes repliés dans le grenier de la masure, apparemment au sec... jusqu'à s'apercevoir que le toit était percé en maints endroits. On a donc monté la tente sous le toit du grenier, CQFD...

Mardi 5 septembre : Quelques gouttes au réveil puis le beau temps s'installe. La GHT (Great Himalaya Trail) revêt des choix d'itinéraires très différenciés, du meilleur au pire (parce que le terme "plus pire" ça n'exixte pas...). Et là, notre première heure de descente, c'est du genre "pourri de chez pourri" ! Humide, marche dans la rivière, buissons envahissants, le Népalais utilise le sentier jusqu'au moment il ne sera plus praticable (là, il se dira : ça m'emm... et je taille ce qui me dérange...) mais en aucun cas (et l'entretien d'un sentier par le groupe scolaire d'il y a deux jours est une notable exception...) il n'y aura de regroupement de villageois pour faire en sorte que l'on pérennise le bien commun : c'est chacun pour soi et les dieux pour tous ! Mais ça ne s'applique pas aux sentiers...

Rencontre avec le meunier du village de Gothi

Sur le chemin, outre les mules que l'on rencontre en grand nombre (le district de Humla, bien que très éloigné de la capitale, est pas mal peuplé et il faut nourrir tout ce beau monde en lui apportant du riz, du sucre, de l'huile et du gaz), on a croisé un couple en route pour l'hôpital de Simikot dont la femme était en proie à des douleurs abdominales. Eh bien, ici c'est 3 jours de marche pour se rendre là-haut consulter auprès de l'antenne médicale et +3000m / -2500m (l'inverse au retour...). Ce ne sont pas les 4 1/2 cachets de Paracétamol que je lui ai laissés qui vont la guérir, tout du moins lui donner l'impression que ça va un peu mieux... La journée annoncée cool ne le sera pas car toute en montées et descentes incessantes. On ira jusqu'au bout de l'étape prévue pour se poser dans un lodge situé dans un lieu improbable perché sur une crête panoramique. La soirée se déroulera à enseigner à la famille et aux voisins l'utilité de la levure pour élaborer une pâte à crêpes avec laquelle on a réalisé des beignets de pommes. C'était la première fois qu'il y goûtaient...

Une bien jolie bergère à Hapsya Lek

Mercredi 6 septembre : Il a plu toute la nuit mais on était au sec. C'est l'avantage d'évoluer en tout petit groupe : la possibilité d'être hébergé, moyennant finances bien entendu...  Au matin, on dispose d'une vue partielle sur le massif du Saipal au pied duquel on se trouvait la semaine dernière. La journée de marche s'annonce peu ensoleillée. Etape de liaison pourrait-on la qualifier mais qui nécessitera un effort soutenu ne serait-ce que dans la dernière heure où il s'est avéré que la qualité des lodges était meilleure de l'autre côté de la rivière, ajoutant +150m / -150m à la dénivelée déjà bien conséquente de la journée, fertile en descentes...

Bob Marley revisited...? Non, non, juste la coiffe traditionnelle des Chhetris du coin...

Jeudi 7 septembre : La montée jusqu'à Deula bazar peut s'apparenter à celle de la rentrée des classes. Ce sont la plupart des enfants et adolescents des villages parsemés dans la combe de Darmagaon à se rendre dans leurs écoles respectives. Entre 8 et 10 heures du matin, ça grouille de partout ! Sur tous les chemins, on ne voit que du bleu ciel, la couleur des tuniques portées par les écoliers et les écolières. L'ambiance est super sympa. Les gosses sont curieux, nous épient et nous inspectent sous toutes les coutures comme des étrangers... que nous sommes. Il faut repréciser que, sur cette portion de la GHT, ils n'en croisent que très rarement. Ils s'essaient à quelques questions en anglais mais les réponses de ma part en népali les interpellent. Après un lunch dans le dernier village digne de ce nom, on reprend le fil du sentier pour rejoindre la Milchham khola où l'on doit trouver un lodge basique en bord de rivière. Comme on croise beaucoup de monde sur le sentier, on se renseigne sur ce qui nous attend et les nouvelles ne sont pas bonnes : le lodge sur lequel nous comptions est définitivement fermé. Le percement de la piste a fait déplacer les flux piétons du sentier vers elle et les hébergements sont remontés d'un cran pour se positionner tout du long... Pragmatisme salvateur : l'adaptation aux évolutions ! Du dernier col franchi, nous optons pour le nouveau sentier qui s'en va retrouver le route et faisons étape dans une famille dont le père fabrique des dokos (les paniers que les Népalais portent au front) et des paniers en bambou. Soirée super sympa, là encore, et dahi (fromage blanc) de qualité.

Notre

Vendredi 8 septembre : Il a plu à verse toute la nuit et au matin une petite acalmie nous décide à partir. On retrouve le sentier historique et on le suit dans la remontée en forêt de 500 mètres de dénivelée "dré dans l'pentu" humide jusqu'au "village" de Satthaple. Durant notre halte réconfortante devant un thé brûlant dans le lodge, le régime pluvieux s'installe pour durer. On repart quand même mais ce ne sont plus des précipitations occasionnelles que l'on subit mais plutôt l'inverse : quelques moments d'acalmie... Le propriétaire du lodge nous a également informé que la piste créée récemment a "rebattu les cartes " des flux de circulation piétonne : les locaux préfèrent passer par la piste, même à pieds, plutôt que d'emprunter le sentier historique qui peu à peu devient obsolète et dont certaines portions sont abandonnées... Nous envisageons que les deux dernières étapes de cette liaison GHT entre Simikot et Gamgadhi se déroulent principalement sur la piste avec éventuellement quelques coupe-lacets occasionnels. Bon ! Pas réjouissant... Les dieux sont grands, si, si... 500 mètres après être sortis du lodge et en train d'ajuster la cape de pluie pour contrer une averse subite, ne voilà-t-il pas que nous entendons dans notre dos vrombir les superbes mécaniques de 3 véhicules 4x4 Mahindra Boléro qui descendent quasiment à vide vers Gamgadhi.

Au départ du Dakar...? Non, juste le service providentiel de 4x4 entre Dauli bazar et Gamgadhi

Proposition "malhonnête" du chauffeur de nous convoyer jusqu'au col suivant (totalement massacré par les lacets de la piste) voire jusqu'à Bham, l'étape de ce soir, ou pourquoi pas jusqu'à Gamgadhi. 30 secondes de réflexion nous ont suffi pour décider d'embarquer et de squeezer les deux dernières étapes de cette portion. Le stakhanovisme à tout prix, non merci, ce n'est pas pour moi ! Et puis, à quoi cela sert-il de consumer ses forces dès le début alors que l'on a tant à découvrir dans les jours qui viennent en se dirigeant vers le Dolpo... 3 heures et demie de cahots sur une piste ouverte il y a moins de deux ans et sur laquelle il n'y a pas plus d'entretien qu'ailleurs. Il faut présager que d'ici peu ne pourront y circuler que les motos (et encore...) et les piétons. Certaines portions sont déjà bien abîmées alors qu'il faudrait peu de choses pour garder une viabilité correcte...

Gamgadhi, une ville du far-west népalais qui donne bien envie de s'y installer...

Arrivée à Gamgadhi : bourg commerçant bordélique au possible où chaque maison qui borde l'unique rue dédiée aux véhicules (les autres sont tellement pentues et étroites qu'il n'est pas envisageable d'y faire rouler quoi que ce soit...) est un commerce : de bouche, certes, mais aussi d'électronique et de smartphones. La 4G que l'on avait rangée à la sortie de Simikot est ici présente et les derniers modèles de Samsung, IPhone et autres smartphones s'étalent aux devantures. Les gosses ont, comme dans le monde occidental, le nez penché sur leur écran... Les hôtels ne sont pas non plus de classe internationale : un milieu entre tripot et petit hôtel de campagne de chez nous qui attendrait une rénovation qui ne vient pas... Les rues et routes alentours ? Pas vu un gramme de goudron ou de ciment pour soutenir le trafic automobile existant. Ce sont des pistes boueuses qui lardent la montagne et desservent les hameaux. Quelques travaux en cours mais qui risquent de durer...

Gamgadhi main road : quelques travaux de réfection...

Demain, journée de semi-repos : on va se faire voiturer jusqu'au lac Rara, 1000 mètres plus haut, c'est l'attraction touristique du coin, en faire le tour à pieds et revenir par le sentier pédestre en forte descente dans l'après-midi. Gageons que la météo sera clémente ! Ce soir c'est ciel étoilé, mais pour combien de temps...?

Samedi 9 septembre : Ce matin, une bonne et une mauvaise nouvelle : à la coupe du monde de rugby, la France a battu la Nouvelle-Zélande 27 à 13, Youpee ! mais ici, la vallée est couverte de brume et on sent que la pluie ne va pas nous laisser tranquille de la journée... On monte à bord du 4x4 qui nous conduit vers le lac Rara, la soit-disant attraction touristique du coin. On suit la piste principale qui permet à Gamgadhi d'être relié au reste du Népal (pourrie...) puis on bifurque sur la piste qui monte vers l'entrée du Parc National du lac Rara en passant au pied de l'aérodrome de Talcha (encore plus pourrie voire dangereuse par la traversée de cloaques de boue et les effondrements...). La visite du site vaut-elle les 3000Rs du droit d'entrée ? Non, assurément pas... On se demande à quoi servent les droits d'entrée au site alors que toutes les infrastructures sont à l'abandon.

Sur la rive sud du lac Rara

Le lac ressemble à un lac canadien avec plein de sapins autour. L'eau semble très pure et les poissons s'y plaisent (il est d'ailleurs interdit de pêcher...). Il y a un "hôtel" sur place qui a tout l'air d'un taudis. Le restaurant n'est pas mieux et n'a rien à proposer autre que le dal bhat, des gâteaux secs et du thé. Le camping d'à côté n'est pas entretenu mais on vous demandera quand même 50$, si, si... pour un emplacement de tente ! Seule chose amusante de la journée : une traversée en barque du lac assez ludique qui fait prendre conscience de la taille du site. Redescente frustré et déçu de cette excursion sous la pluie par l'autre entrée du Parc du côté de Lamachaur et descente sur Gamgadhi par des sentiers défoncés, des pistes et des coupe-lacets. Sieste réparatrice en fin d'après-midi pour effacer tout cela et penser à la journée off de demain : "Mais que peut-on faire à Gamgadhi ?"

Tourisme local sur la rive nord du lac Rara

Dimanche 10 septembre Journée repos à Gamgadhi en prévision du départ lundi matin vers le Dolpo. Ca m'aura permis de mettre à jour mes écrits... On sait déjà que demain on partira en voiture vers Lumsa car le sentier a été à 80% fagocyté par la piste... sauf si la piste est dans un état incompatible avec la circulation automobile après les 2 jours et 2 nuits de pluie ininterrompue. ☔️ 

Fin de l'épisode 3 (Gamgadhi dimanche à 8 heures 30)

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Commentaires

  • Pitot Jean Pierre
    • 1. Pitot Jean Pierre Le 23/09/2023
    Hello Pierre,
    Bon courage pour cette fin de trek !
    La mousson va se calmer... !
    Tu as bien vu, l'an dernier, tout le monde sait qu'en octobre, c'est ultra sec au Népal, il ne neige ni ne pleut plus !!
    ... Non, plus sérieusement, ça peut pas faire pareil 2 années de suite ! cette fameuse loi de "Murphy" est une invention ! ça n'existe pas !

    Donc ... Good Luck !
    Et rapporte nous de belles images !
    Amitiés
    JPP