[Maroc] Tour du Ouaougoulzat
- Le 01/11/2025
- Dans Voyages
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Jusqu'à présent, en 30 années de pérégrinations sur les sentiers marocains, je ne m'étais intéressé qu'occasionnellement aux nomades au détour d'une rencontre fortuite avec leurs chiens hargneux, la raison principale pour laquelle on ne tente pas de nouer le contact, ce qui est bien compréhensible... D'abord sauver ses mollets ! Le trek dont le topo suit a été réalisé à la toute fin de l'été. C'était l'occasion rêvée sur ces plateaux du haut Atlas central d'en savoir un peu plus sur cette composante primordiale de la société marocaine, invisible des villes, car elle fournit en quantité plus que raisonnable en viande les assiettes des "carnivores" (chèvres et moutons). Selon les familles, les "Aït", les nomades effectueront la transhumance en déplaçant leur cheptel du sud vers le nord à la fin du printemps et du nord vers le sud au début de l'automne avec des animaux de bât (mules, chevaux, dromadaires, etc.) pour que tout "ce beau monde" puisse prendre le bon air et consommer la "riche" nourriture des alpages ou des plateaux.
Ceci dit, le changement climatique que nous connaissons depuis quelques dizaines d'années (et dont une grande majorité de la population n'a rien à f..., et surtout les plus riches !) a des répercussions sur la vie des nomades, la rendant de plus en plus difficile : qui dit moins d'eau implique moins d'herbe goûteuse à brouter ; moins de chutes de neige (rien n'est tombé sur l'Atlas ces deux dernières années...) ne permet pas de remplir les nappes phréatiques, et les sources de la montagne se trouvent très vite à sec, des fois dès le début de l'été... Et quand la pluie se met à tomber, ce sont des trombes d'eau que le ciel envoie et celles-ci forment en tombant sur le sol des torrents de boue qui dévalent les pentes raides en prenant de la vitesse et ravagent en aval les cultures de céréales et les vergers des vallées agraires (septembre 2024 a été pour cela un énorme drame avec la perte quasi totale des pommes, de l'orge et du blé à quelques jours de la récolte amenant dans les villages de montagne incertitude du lendemain et pauvreté...). Et même dans le désert où le Draâ, ce fleuve enterré sous le sable depuis des lustres, s'est soudain mué en un équivalent des chutes du Niagara emportant tout sur son passage ! Le Niaga-Draâ pourrait-on s'exclamer s'il n'y avait eu des dommages collatéraux et des familles endeuillées...
Mais revenons au sujet du trek mais sans omettre que les propos exposés ci-dessus ont aussi une incidence sur le déroulement d'un tel circuit... Pour quelles raisons ?
- un certain nombre de sentiers est balayé par la crue des torrents d'eau qui se transforment en boue qui dévale les pentes et ils disparaissent à tout jamais, emportés par les flots.
- les rochers en suspension au-dessus des canyons voient leur stabilité mise à mal par les infiltrations dans le tablier qui les maintient et ils deviennent une source de danger pour ceux qui passent en dessous, hommes ou bêtes...
- les captations d'eau des villages se voient durablement polluées par le ravinement et les eaux de ruissellement intempestif hors des thalwegs habituels,
- quant à la problématique du manque de neige, il n'est pas difficile de remarquer que dès la mi-juillet des sources connues depuis des dizaines de générations sont à sec du fait des nappes phréatiques insuffisamment alimentées, et les campements envisagés tout au long d'un itinéraire ne sont peut-être plus envisageables...
Le haut Atlas central est une région de hauts plateaux qui s'inscrivent entre 1600m pour les plus riants sur lesquels sont cultivés céréales, arbres fruitiers, légumes... et disposent d'eau puisque se trouvant en aval de tous les vallons qui descendent de la montagne, et jusqu'à 3200m où l'on ne trouve que des buissons d'épineux sur des pentes arides. C'est le domaine des nomades et de l'élevage extensif : des dizaines d'hectares de pentes détritiques incultes pour quelques centaines d'ovins et de caprins. Dans chaque bergerie de ces plateaux, les nomades, j'y viens enfin..., viennent s'y installer : ils se déplacent depuis les confins du désert et des massifs de l'Anti-Atlas où ils résident une grande partie de l'année et initialisent la transhumance de leurs troupeaux à la fin du printemps - début de l'été où ils investissent chaque recoin de la montagne pour une saison d'estive de 3 à 5 mois selon les années et les vicissitudes de la météo. C'est toute une famille qui se déplace et ils investissent les cabanes de pierre sèche (les azibs) souvent érigés à proximité d'un point d'eau. Le problème de manque d'eau devient pour eux primordial car ils doivent dès le milieu de leur séjour aller quérir chaque jour qui passe de plus en plus loin l'eau nécessaire à leur (sur)vie.
C'est en cela que le "prétexte" de faire le tour d'une chaîne de montagnes comme le Ouaougoulzat, certes moins célèbre que son voisin le M'Goun, pouvait permettre de "toucher du doigt", surtout à la fin de l'été, la problématique que les nomades connaissent chaque année de manière de plus en plus prégnante, à savoir le manque d'eau. L'idée de ce circuit d'une quinzaine de jours était d'utiliser les sentiers de nomades des plateaux du haut Atlas central dont la quasi totalité ne sont connus que d'eux seuls puisque non répertoriés sur les cartes topographiques ni même connus des acteurs locaux du tourisme qui se complaisent pour nombre d'entre eux à vivre de l'accompagnement d'individuels ou de groupes sur les aller-retours au sommet du M'Goun ou bien de circuits de 3, 4 ou 5 jours dans le coin : Paris - Paris en 8 jours all included...!
Alors, avec Abderrhaïm Aït Talaoul, un accompagnateur de la région d'Imlil mais connaissant parfaitement les espaces des plateaux du haut Atlas central, mais pas forcément les sentiers nomades... (s'il ne connaît pas, il demande...), on s'est adjoint deux muletiers-cuisiniers pour assurer l'intendance et nous voici partis à la recherche et au recensement des routes des nomades. Et il y en a ! Le thème du "Tour du Ouaougoulzat" s'imposait naturellement car c'est une montagne qui s'étire sur plus de 30kms en parallèle de celle du M'Goun et qui se trouve pile poil au barycentre de l'espace que l'on souhaitait explorer. Et puis, nous nous sommes laissés emporter par les opportunités découvertes localement par l’entremise d'une conversation avec un berger ou par l'entêtement de nos muletiers à vouloir suivre un itinéraire que nous n'avions pas envisagé mais "qu'ils sentaient bien", et pas nous... Mais bon ! Comme ils étaient devant, il a bien fallu suivre leurs traces. C'est de cette manière que l'on est sortis de l'Imejdag et que l'on a parcouru des immenses plateaux dont on ne soupçonnait pas qu'il puisse y avoir une telle densité de nomades... Eh bien, que de découvertes !
Allez ! Abdou et moi vous emmenons à la découverte de ce monde fascinant bien qu'extrêmement dur et complexe des nomades, sur leurs chemins dont ils nous ont aimablement ouvert les portes d'accès et prêté les clefs ! Des touristes ? Comme on était contraints de traverser le plateau de Tarkeddit, itinéraire incontournable lorsque l'on envisage de tourner autour du Ouaougoulzat, on en a donc croisé, ceux qui se mesurent au sommet du M'Goun, et puis c'est tout ! C'est un tout autre Maroc que nous vous invitons à découvrir au travers de ce circuit plus qu'original. A chaque jour son espace, différent de celui de la veille ou de celui du lendemain, des plateaux à perte de vue, certes, mais aussi des sommets, des canyons, profonds, secs ou humides, voire très humides..., des panoramas de folie, des sentiers osés et bien évidemment des rencontres authentiques. Et c'était aussi cela la quête de notre périple. A vous de jouer !?
[Maroc] Haut-Atlas - Tour du Ouaougoulzat par les sentiers nomades ![]()
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