[Italie-Suisse] Alpes - Traversée du Mont-Rose

C'est assurément l'une des plus belles traversées glaciaires des Alpes, celle qui, au départ de Zermatt en Suisse (ou de Cervinia en Italie), permet d'explorer la "crête" qui s'inscrit entre 3500 et 4600m, du Breithorn à l'W à la Pointe Dufour à l'E. Qui plus est, selon vos capacités physiques et techniques, selon aussi les conditions d'enneigement aussi, plusieurs itinéraires de traversée sont envisageables. Du fait des "trop" bonnes conditions météorologiques que nous avons rencontrées, cette traversée du Mont-Rose ne s'en est tenue pour des raisons de sécurité qu'aux étapes suivantes, soit l'itinéraire ultra conventionnel (mais déjà d'une beauté à couper le souffle...) :

J1 - Zermatt - Téléphériques jusqu'au Klein Matterhorn - Breithorn W - Refuge des guides du Val d'Ayas Diaporama
J2 - Refuge des guides du Val d'Ayas - Traversée du Castor - Refuge Quintino Sella Diaporama
J3 - Refuge Quintino Sella - Naso dell Liskamm - Refuge Gnifetti Diaporama
J4 - Refuge Gnifetti - Parrot Spitze - Punta Gnifetti (Refuge Margherita) Diaporama
J5 - Refuge Gnifetti - Descente du Grenzgletscher - Gornergrat - Train jusqu'à Zermatt Diaporama

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Carte Matterhorn - Mishabel n°5006 au 1/50.000ème

Sur les crêtes du Castor

Gigi Airone, guide de haute-montagne valdôtain, se propose de nous accompagner Richard et moi en ce mois de juin 2005 sur cet itinéraire qui tutoie le ciel. Nous projetons une traversée assez ambitieuse qui prévoit de suivre l'intégralité de la crête (ou presque...) du Breithorn W à la Pointe Dufour, point culminant du massif du Mont-Rose. Nous avons prévu de passer par le sommet très aérien du Liskamm avant de nous attaquer à la Pointe Dufour par sa face SE en technique mixte. Très vite, nous sommes confrontés dans la première traversée entre les deux sommets W et E du Breithorn à des conditions de neige très molle dans laquelle la progression est difficile et pouvant engager la sécurité sur les corniches. Las, nous décidons de squeezer le sommet E et descendons, fourbus mais contents, jusqu'au refuge des guides du Val d'Ayas.

Sur le sommet W du Breithorn

Ah oui, je ne vous ai pas raconté : la totalité des refuges italiens où nous devons nous arrêter ne sont pas encore ouverts en cette toute fin de printemps et nous devons porter nourriture et duvet alors que nous sommes hébergés dans les refuges d'hiver. Le poids que l'on a sur le dos n'arrange rien à l'enfoncement dans la "soupe"... Le soir à la veillée, nous devrons reconsidérer l'itinéraire prévu avec ce tapis neigeux dans lequel on s'enfonce "gaiement" jusqu'à l'aine en décidant de ne pas aller s'amuser sur la crête effilée du Liskamm, assez longue et étroite avec quelques corniches surplombantes. Et puis, en scrutant aux jumelles la voie normale, on s'aperçoit que l'on sera les premiers de cette saison d'été à s'y engager et donc à faire la trace... La difficulté risque d'être au-dessus de nos capacités. Alors, on décide que le jour 3 nous verra contourner sagement le "monstre" par sa base en passant au très célèbre "Nez du Liskamm". Le jour 2 qui nous conduit au refuge Quintino Sella est une belle course sur le fil de l'arête du Castor, un sommet allongé qui culmine à plus de 4200m, arête que l'on rejoint après une montée bien redressée. L'approche ne prédispose pas à la surprise qui nous attend là-haut : à l'approche de l'arête, Gigi disparaît au-delà de la bande neigeuse qui nous surplombe pour nous assurer puis nous informe de monter une fois qu'il est en sécurité et qu'il peut nous protéger d'une chute. On débouche sur le fil de la crête et pas de guide à l'horizon, ni à gauche, ni à droite. Mais où est-il donc passé ? Il nous faudra encore faire quelques pas pour s'apercevoir qu'il se trouve vaché 20 mètres en-dessous, de l'autre côté, dans une pente encore plus verticale que celle que l'on est en train de remonter. Impressionnant !

Sur le fil de l'arête du Castor

On prend pied délicatement sur le fil de la crête qui ne fait pas plus de 50cm de large avec, de part et d'autre, 1000m de vide. Pfouh ! Heureusement qu'il n'y a pas de vent. Une fois que Gigi nous a rejoints, on s'engage sur la longue crête où parfois il n'y a pas la place pour positionner deux pieds l'un à côté de l'autre. Glissade interdite... D'ailleurs Gigi, bien que nous soyons en montée, nous suit avec grande attention, prêt à se jeter dans la pente opposée pour freiner une éventuelle chute. Anecdotiquement on passe au sommet mais la suite est à peine plus large pour rejoindre le col du Felikjoch, départ de l'itinéraire de descente vers le Lisgletscher et incidemment vers le refuge... Un grand moment d'alpinisme, pas trop engagé, mais quand même... La descente s'effectue dans une neige assez ferme permettant de ne pas souffrir comme la veille. Puisqu'on a décidé de squeezer le sommet du Liskamm (la vision depuis le Felikjoch, le point de départ de la voie de traversée, nous a totalement convaincus...), nous voici au matin du troisième jour à remonter le débonnaire glacier du Lisgletscher pour suivre la base des faces S du Liskamm. On arrive aisément à l'épaule neigeuse appelée le "Nez du Liskamm". Vue splendide sur l'arc alpin en direction du sud. La descente vers le refuge Gnifetti n'est pas de tout repos à cause d'une pente en neige très forte au milieu de laquelle se dessine une méchante rimaye que l'on doit sauter en s'élançant dans le vide. Plus impressionnant que difficile mais bon... On retrouve le Lisgletscher et on atteint le refuge Gnifetti perché sur un rocher de l'arête S de la Pyramide Vincent.

Naso dell Liskamm

Jusqu'au bout, c'est-à-dire jusqu'à la porte d'entrée du refuge, il a fallu être prudent pour se déplacer en crampons sur des plaques de glace vive. Le refuge est ouvert : quel plaisir de passer un moment privilégié avec l'équipe de gardiens et passer une nuit au "chaud". Alors que l'on était du côté italien depuis 3 jours, voici que le jour 4 nous ramène en territoire suisse. Pas de poste frontière au bivouac Giordano mais seulement un Christ-Roi qui domine l'étendue du Val d'Aoste. Au-delà, délaissant un détour par la Pyramide Vincent et le Ludwigshohe, on rejoint la crête de la Parrot Spitze, la copie conforme de celle du Castor mais en plus long. Moins de "gaz" quand même mais à pratiquer avec grande attention. Après une descente sur le névé sommital du glacier du Grenzgletscher, on découvre au détour d'un béquet la Punta Gnifetti au sommet de laquelle les italiens ont positionné le refuge le plus haut des Alpes : la cabane Margherita. Et puis pas seulement 4 planches de bois !

La cabane Margherita, le plus haut refuge des Alpes

Une belle bâtisse qui trône sur un béquet rocheux et offre, lorsque les nuages ne bouchent pas l'horizon, un panorama à 360° et une vue imprenable sur le départ du couloir Marinelli long de plus de 2500m du Nordend en haut (une des pointes du Mont-Rose) à la ville de Macugnana en bas, ce qui en fait le couloir le plus important des Alpes en dénivelée. Et dire que des alpinistes en effectuent la remontée chaque année. Brrr ! Situé dans une cuvette orientée à l'E, le soleil ne doit pas y apparaître souvent... Certains aussi, en hiver, le descendent à ski. A l'aube du jour 5, nous avons comme projet de relier la Punta Gnifetti à la cime du Mont-Rose : une course de 4 à 5h pour rejoindre le sommet avant de penser à redescendre vers la vallée en empruntant la voie normale partant de la Monte Rosa hütte côté suisse. Les prévisions météo ne sont pas optimistes pour l'après-midi avec une forte nébulosité annoncée et des possibilités d'orages.

Deux des sommets du Mont-Rose (Zumstein et Dufour) et derrière le départ du couloir Marinelli

Ne sachant pas si les conditions de la voie projetée seront optimales et permettront de respecter l'horaire d'ascension, nous décidons sagement de descendre "tranquillement" par l'itinéraire habituel, à savoir suivre la langue de glace du Grenzgletscher jusqu'au Gornergrat. Pour la petite histoire, la météo ne s'est dégradée que la nuit suivante mais bon, on n'était pas trop frustré par cette annulation de dernière minute avec la densité des paysages et des situations que l'on avait rencontrés. Mais l'itinéraire de substitution choisi n'a pas été de tout repos en grande partie à cause de crevasses coquines cachées sous des monceaux de neige fraîche et qu'il a fallu contourner précautionneusement. Une fois arrivés à la Monte Rosa hütte, joindre le Gornergrat est une formalité. Encore faut-il suivre les fanions rouges disposés pour aider à traverser la langue glaciaire du Gornergletscher qui arrive de la droite en prélude à la remontée d'une pente morainique couverte de buissons de rhododendrons et atteindre l'une des deux gares de la ligne de train à crémaillère du Gornergrat. On descend en moins d'une heure sur Zermatt retrouver la foule des touristes. Mais des paysages d'exception plein la tête, et je peux vous dire que 10 ans plus tard, les images sont encore présentes alors que j'écris ces lignes. Une des plus belles randonnées glaciaires des Alpes ? A n'en pas douter...

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Commentaires

  • guillou marie
    • 1. guillou marie Le 16/12/2015
    bonjour
    un livre existe-t-il sur cette traversée du Mont Rose?
    cordialement